Question n°21

Nicolas Thély :

Quelle est d’ailleurs la place du désoeuvrement dans la vie d’un ado ? L’ennui est-il toujours un état fortement ressenti ?

Dominique Pasquier :

Pour moi l’ennui est lié à des moments où il n’y a pas de bruit, où vous ne savez pas quoi faire, où il ne se passe rien ; or je crois que le silence est quelque chose qui est devenu très rare dans la vie d’un adolescent, soit il écoute de la musique, soit il met la télévision, soit il met la radio. Il y a énormément de machines à parler et à chanter qui sont présentes dans la maison. Ces machines accompagnent les trajets. Le fait que tous les trajets soient faits en musique, c’est un changement énorme. Les moments passés à penser s’enclenchent autour d’un arrière-fond de paroles, de mélodies. Si l’ennui était en partie lié au silence, ce que je crois, c’est devenu quelque chose d’étranger. Maintenant, si on s’arrête aux formes de l’ennui, il y en a beaucoup qui ressemblent à ‘‘avant‘‘ : être avachi sur son lit... Il y a une expression dans les cités pour décrire les jeunes qui traînent sans rien faire : on dit qu’ils ‘‘tiennent les murs’’. Mais ils ‘‘tiennent les murs‘‘ avec un écouteur et un téléphone dans la poche, ce qui n’est pas la même chose que ‘‘tenir les murs‘‘ sans rien.